Démarche artistique

De nature hypersensible du plus lointain que je me souvienne, j'ai toujours grandi au travers de mon monde imaginaire, une sorte de réalité augmentée où les émotions sont reines. Ne parvenant pas à exprimer ma singularité, j'ai cherché à faire disparaître mon corps, comme pour devenir invisible, j'ai fait de mon corps une feuille aussi épaisse que du papier à cigarette peut-être me disais-je qu'une fois que mon corps aurait totalement fondu, je trouverai alors ma place au sein de la masse.

Pendant ces années passées à faire disparaître mon enveloppe, mon monde imaginaire lui n'a jamais cessé de s'étoffer, je ne vivais alors que dans ma tête, les interactions avec les autres et les sentiments auxquels cela me ramenait étant trop forts pour moi. Au fond de mon ventre, j'ai toujours senti que transcender, pour me sentir exister, il faudrait que je donne à mon monde imaginaire toute l'ampleur qu'il prenait déjà au fond de moi en lui donnant vie. J'ai commencé à créer au travers de la photographie comme modèle et parfois photographe en faisant face à ce corps, ce monstre à deux têtes si frêle aux yeux du monde et si distendu aux miens.

Véritable thérapie pour m'ancrer dans la réalité : créer ma réalité.

En me faisant face, j'ai eu envie de continuer à créer à travers les doubles expositions mettant en scène les faces cachées de nos êtres, celles qu'on cherche à laisser glisser sous le tapis de façon qu'on ne puisse plus distinguer notre part d'ombre.

Petit à petit mon corps a repris forme, petit à petit la feuille de papier à cigarette a laissé place à un corps de femme. À mesure de cette transformation mon monde imaginaire est devenu mon langage, j'ai alors commencé à peindre.

Le besoin constant de créer est devenu un but existentiel, une part de moi ne cherche pas à conscientiser le fait de faire, mais plutôt de laisser la part de moi qui ne cherche ni à comprendre ni à exprimer un message en particulier, mais simplement à se laisser porter par un flot d'émotions qui me et nous compose tous et à le transposer dans la matière. J'ai fait déborder ce monde, ce trop-plein d'émotions. Mon monde est fait de couleurs intenses comme pour dénoter d'une mélancolie éternelle, mon monde est végétal, fleuri pour exprimer la renaissance grâce aux transmutations que nous vivons tous mais que trop souvent, nous réprimons, et pourtant si nécessaire à l'expansion de nos âmes.

Dans mon monde, les corps des femmes sont fréquemment et volontairement exagérés, certainement pour laisser place à ce que la société exige que l'on réprime. J'utilise également mon propre corps comme sujet, je m'évertue à refaire fleurir ses corps, le mien comme les autres, un peu comme pour faire fleurir ce qu'on a essayé de laisser pour mort. Faire fleurir ce qui m'entoure et me touche pour ouvrir une porte vers l'autre.

Le support est aujourd'hui presque devenu prétexte à enrichir et à faire déborder un monde dans lequel les couleurs sont vibrantes, les émotions reines, les lignes présentes pour vous guider dans l'obscurité, les courbes revendiquées.

Je ne veux aujourd'hui qu'exprimer tout ce que j'ai réfréné et qui s'est imprimé en moi : l'exprimer pour le faire exister. L'exprimer dans mon travail plastique pour exister

 alignée.